L’émotion n’a pas de garde-robe : elle déboule souvent sans prévenir dans une consultation, surtout pendant la grossesse ou après la naissance. Je vous propose des clés concrètes pour oser parler de vos émotions avec votre médecin, sans culpabilité, avec des phrases, des astuces pratiques et des repères pour obtenir le soutien dont vous avez besoin.

Pourquoi l’émotion compte vraiment en consultation

L’émotion n’est pas une distraction : elle informe sur votre santé. Quand vous arrivez avec de la peur, de la tristesse ou de l’anxiété, votre corps et votre grossesse réagissent — sommeil perturbé, appétit changeant, tensions musculaires, remontées acides, ou évitement des visites médicales. Ignorer ça, c’est risquer de passer à côté d’un besoin réel.

Des études montrent qu’environ 10 à 20 % des futures ou nouvelles mamans rencontrent des symptômes anxieux ou dépressifs. Ces chiffres varient selon les contextes, mais ils signifient surtout une chose : vous n’êtes pas seule et ce n’est pas une faiblesse. En consultation, votre médecin peut repérer des signes, proposer un dépistage comme le EPDS (Edinburgh Postnatal Depression Scale), ou orienter vers une prise en charge adaptée.

Je me souviens d’une consultation où, enceinte d’Antoine, j’ai éclaté en sanglots devant ma sage-femme. J’étais épuisée, coupable de m’inquiéter pour tout, et surprise par l’intensité de mes émotions. Elle ne m’a pas dit « calme-toi » ; elle m’a demandé concrètement comment je dormais, si j’avais des pensées de détresse, et m’a proposé un suivi. Ça a tout changé : d’un épisode anxieux confus, on est passé à un plan d’action clair.

Parler de ses émotions permet aussi d’éviter des complications : une anxiété non traitée peut aggraver les nausées, retarder les soins, ou rendre plus difficile la relation avec le bébé après la naissance. À l’inverse, exprimer vos craintes favorise la confiance, l’alliance thérapeutique et l’accès à des ressources pratiques (psychologue, matrone, groupes de parole, soutien social).

Sachez aussi que les professionnels ont des limites de temps et parfois d’expérience en santé mentale périnatale. Leur rôle est d’évaluer, d’informer et d’orienter. Si vous sentez que votre médecin minimise, vous pouvez demander un avis complémentaire ou une orientation vers un spécialiste. Si Eric, mon meilleur ami, vivait la même chose pendant ses démarches d’adoption — stress, sentiment d’impuissance — il aurait tout intérêt à formaliser ses émotions en consultation pour obtenir un accompagnement adapté, même si la situation n’est pas strictement médicale.

En bref : l’émotion est une information précieuse. La mettre en mots en consultation, c’est donner à votre médecin les éléments nécessaires pour vous accompagner au mieux. N’oubliez pas : vos émotions sont légitimes, et les partager est un acte de soin, pas de faiblesse.

Comment préparer votre consultation pour aborder vos émotions sans tabou

Aller chez le médecin quand on est submergée par ses émotions, c’est souvent comme préparer un petit combat : on ne sait pas par où commencer. Une préparation simple change tout. Voici mon protocole pratique, testé et approuvé — oui, même avec Claire qui avait 14 ans quand j’ai recommencé à me poser mille questions sur la maternité.

  1. Notez avant la consultation.

    • Sur une feuille ou dans votre téléphone, écrivez 3 points : ce qui vous inquiète le plus, depuis quand, et comment ça affecte votre quotidien (sommeil, appétit, concentration).
    • Exemple : « Je me réveille à 3h, je rumine, je tape sur le frigo sans faim, je m’isole depuis 6 semaines. »
  2. Préparez des phrases d’ouverture.

    • Parfois la peur du « je vais pleurer » bloque. Avoir une phrase prête enlève la barrière.
    • Phrases simples : « J’ai du mal à gérer mes émotions ces derniers temps », « Je suis plus triste/anxieuse que d’habitude », « Je m’inquiète pour la suite et j’ai besoin d’aide ». Ces formules sont efficaces et claires.
  3. Apportez des exemples concrets.

    • Les professionnels réagissent mieux à des faits : nombre d’heures de sommeil, fréquence des pleurs, pensées répétitives.
    • Si vous avez des idées suicidaires ou d’auto-mutilation, dites-le clairement. C’est indispensable pour votre sécurité. Aucun jugement, seulement de l’aide.
  4. Pensez au mode d’accompagnement.

    • Voulez-vous être seule ? Préfériez-vous que votre partenaire (ou une amie) soit présent(e) ? Parfois, avoir quelqu’un pour compléter les faits (ex. : « elle ne parle plus ») aide le professionnel à évaluer.
  5. Munissez-vous des outils utiles.

    • Si on vous propose le questionnaire EPDS ou un autre outil, acceuillez-le : il structure l’échange. Si vous avez déjà consulté ailleurs, apportez un résumé ou des comptes-rendus.
  6. Anticipez les solutions que vous accepteriez.

    • Médication ? Thérapie ? Groupes de soutien ? Savoir ce que vous êtes prête à envisager facilite la co-construction d’un plan.

Une anecdote ? La première fois que j’ai amené une liste, mon médecin a souri et m’a dit : « Vous me donnez quelque chose à lire ! » Résultat : la consultation a été plus efficace et j’ai quitté le cabinet avec un plan concret plutôt qu’un vague « revenez si ça va mal ». Préparer vos mots, c’est vous donner la chance d’être entendue et d’obtenir des réponses ciblées.

Dire les choses : phrases, repères cliniques et outils pour se faire comprendre

Parler de ses émotions demande parfois des mots précis. Les médecins répondent bien aux descriptions concrètes et aux repères chiffrés. Voici comment épeler votre expérience pour qu’elle soit comprise et prise en charge.

Commencez par la durée et l’intensité.

Utilisez des phrases simples et directes.

Proposez des mots-clés médicaux si vous les connaissez : « dépression », « anxiété », « crises de panique », « pensées intrusives ». Même si ces mots vous semblent « gros », les dire aide le professionnel à choisir l’échelle de dépistage et le plan de soin. Le praticien peut ensuite proposer des outils validés :

Dites si vos émotions impactent la sécurité.

Si la consultation vous met mal à l’aise, proposez des alternatives.

Voici quelques phrases que vous pouvez utiliser comme modèles :

Rappelez-vous que demander une orientation ne signifie pas que vous êtes « folle ». Ça signifie que vous prenez soin de vous — exactement ce que je me suis efforcée de faire après la naissance de Claire, quand la fatigue m’a poussée à accepter un soutien que je n’aurais pas imaginé avant.

Après la consultation : suivi, ressources et comment obtenir le soutien nécessaire

La consultation n’est que la première étape. Le vrai travail, c’est le suivi. Si vous avez réussi à parler de vos émotions, bravo : maintenant, transformons ça en actions concrètes.

  1. Notez le plan.

    • Dès la sortie, écrivez ce qui a été décidé : rendez-vous, prescriptions, orientation vers un psychologue, groupe de parole, arrêt de travail éventuel. Ça évite l’oubli et la rumination.
  2. Organisez le suivi.

    • Si on vous propose une prise en charge psychologique, contactez rapidement le praticien. Les listes d’attente existent ; anticipez.
    • Les dispositifs périnataux (consultations sages-femmes, PMI, associations locales) proposent souvent des rendez-vous plus courts et réguliers.
  3. Utilisez les ressources numériques avec discernement.

    • Des applications et forums existent pour la santé mentale périnatale : certaines aident à suivre l’humeur, d’autres offrent des techniques de relaxation. Vérifiez la fiabilité et privilégiez celles recommandées par des professionnels.
  4. Activez votre réseau.

    • Parlez à une personne de confiance (partenaire, amie, parent). L’appui social réduit l’isolement. Je sais que ce n’est pas simple : moi-même, j’ai attendu de me sentir « prête » pour appeler ma mère — et c’était une erreur, car l’expression d’un besoin rapproche toujours.
  5. Reconnaissez les signes d’alerte.

    • Dégradation rapide, idées suicidaires, incapacité à s’occuper de soi ou du bébé : contactez immédiatement un professionnel, SOS suicide, ou rendez-vous aux urgences. Mieux vaut sur-réagir que rester seule avec une idée dangereuse.
  6. Insistez si besoin.

    • Si vous sentez que vos symptômes persistent et que l’on ne vous propose rien d’efficace, demandez une réévaluation ou un second avis. Vous êtes l’actrice principale de votre parcours de soin.

Quelques ressources pratiques :

Demander de l’aide est un acte de courage. J’ai vu trop de mamans — et d’amis comme Eric dans ses démarches — qui pensaient devoir affronter seules l’orage émotionnel. Le bon médecin ne vous renverra pas vers la culpabilité ; il vous proposera des solutions concrètes. Continuez à parler, notez, demandez, et surtout, croyez que vos émotions méritent d’être écoutées et soutenues. Vous faites déjà beaucoup en posant les mots.

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